Le premier jour, on a eu un test de niveau. Non, je dis des bêtises. Nous, on n'a même pas eu besoin d'un test de niveau. On était directement dans la classe « croûtes »! :-) Avec nous, il y avait Minaru, une japonaise, Antoinette, une américaine de 45 ans et Ruth, une irlandaise de 25-30 ans.

Le premier jour, Minaru ne comprenait pas un mot et me disait qu'elle voulait partir du cours, qu'elle n'y arriverait jamais et que c'était trop dur. Elle me faisait mal au coeur, car elle était vraiment paumée la pauvre. Moi, j'étais un peu paumée, mais l'espagnol est tout de même assez proche du français, ce qui facilite les choses. Le lendemain, Minaru avait revu tout le cours et elle captait absolument tout! Elle avait du y passer toute la soirée, voire une partie de la nuit, mais du jour au lendemain, elle avait tout pigé! Les japonais sont des bosseurs, honte sur nous!
Ruth, se foutait un peu royalement d'apprendre l'espagnol. Elle était là avec sa mère qui, elle, prenait des cours intensifs + (avec des heures de soutien) et avait déjà commencé à bosser. Je n'ai jamais su définir si elle ne comprenait vraiment rien ou si elle le faisait exprès. Alors qu'on avait des cours de prononciation, elle continuait à tout lire à l'anglaise. Dans les cours de conjugaison, elle n'avait pas compris que d'abord on donnait un exemple et qu'après, pour conjuguer, il ne fallait prendre que la terminaison et l'appliquer aux autres verbes. C'est comme si on apprenait la conjugaison du verbe  manger : Je mange, tu manges, il mange... et qu'on disait « conjuguer le verbe ranger », elle aurait dit je rangmange tu rangmanges, il rangmange... Du coup, la prof expliquait de nouveau que c'était seulement la terminaison qu'il fallait garder. Par exemple j'aimes, tu aimes, il aime... Alors Ruth notait scrupuleusement dans son cahier et quand la prof lui demandait si elle avait compris, elle disait « Oh, yes, I understand, sorry! ». Et le lendemain « Allez Ruth, conjugue le verbe fermer. » Je fermaime, tu fermaimes, il fermaime... A chaque fois, je me disais Ô miracle , elle a compris et en fait non. Je pense que j'aurais pu la tuer...
Quant à Antoinette, elle faisait d'énormes blocages. Quand on lui posait une question, elle devenait toute rouge et n'osait pas répondre. Quand elle finissait pas sortir la réponse, juste, elle avait l'air de ne pas savoir pourquoi sa réponse était juste et quel était le mot qui était sorti de sa bouche.
Pour les deux anglophones, je me suis demandé si leur problème n'était pas qu'elles n'avaient jamais étudié de langue étrangère.
Depuis que je suis enfant, j'ai appris quelques mots d'anglais, j'ai eu des cours d'allemand et d'anglais. Pour moi, il est acquis que toutes les langues ont des constructions de phrase différentes, et même si je ne suis plus capable (que la foudre s'abatte sur moi) de former une phrase en allemand, je sais que le verbe va à la fin, ou qu'en anglais on dit un « noir chat ». J'avais l'impression que pour Ruth et Antoinette, c'était beaucoup trop compliqué d'imaginer que les autres langues puissent être si différentes (outre le vocabulaire) de leur langue maternelle et internationale qu'est l'anglais. Ceci est mon avis, je ne suis pas sûre que Renaud soit d'accord avec cette analyse...

On avait 2 profs Anna et Santi. La première refusait catégoriquement de prononcer autre chose que de l'espagnol et refusait toute traduction en anglais, ce qui créait de petites tensions avec Ruth, qui elle avait du mal à sortir un mot d'espagnol.
Santi, lui avait une bonne bouille et tapait souvent du poing sur la table en criant « Ola, chicos! » pour nous réveiller un peu.
On avait cours l'après-midi, ce qui nous permettait de faire des trucs le matin et d'être dans une salle climatisée quand il faisait trop chaud.
J'ai beaucoup aimé cette ambiance d'école. J'aurais aimé rester plus longtemps. Avec Renaud, on se disait que si on devait gagner au loto, on passerait notre temps dans des écoles de langue à prendre des cours et discuter avec des gens qui viennent du monde entier!