Que les gens bien dans leurs basques passent leur chemin... Ici, c'est la minute des tourmentés!
2h30 du matin, un demi Lexomil sous la langue, Caravan Palace dans les feuilles, ma moitié dans les bras de cette chère Morphée, les cafards de l'hôtel tiennent compagnie au mien...
Aujourd'hui, nous avons passé la frontière Laos-Cambodge.
Pour obtenir le tampon de sortie du Laos et récupérer le passeport : 2$ qui vont directement dans la poche des bureaucrates sans négociation possible. Il ne se donnait même pas la peine de dire « Next » (suivant), il disait juste « kip » (monnaie du Laos).
Ensuite, au soit-disant « health check-point » (point santé) où bizarrement personne ne m'examine, un formulaire de santé à remplir sur la grippe A et 1 autre $ pour récupérer le passeport et un papier nous prévenant que « attention à la grippe A! ».
Pour dégotter le visa : 3 petits $ supplémentaires...
Et enfin, pour se faire tamponner le passeport et encore une fois le récupérer : 2 derniers $...
Qu'est-ce que 8 malheureux dollars, me direz-vous? Rien de plus qu'une bonne bière à l'Ancienne Belgique ou ½ ticket de ciné ...
2h30 du matin, un demi Lexomil sous la langue, Caravan Palace dans les feuilles, ma moitié dans les bras de cette chère Morphée, les cafards de l'hôtel tiennent compagnie au mien...
Aujourd'hui, nous avons passé la frontière Laos-Cambodge.
Pour obtenir le tampon de sortie du Laos et récupérer le passeport : 2$ qui vont directement dans la poche des bureaucrates sans négociation possible. Il ne se donnait même pas la peine de dire « Next » (suivant), il disait juste « kip » (monnaie du Laos).
Ensuite, au soit-disant « health check-point » (point santé) où bizarrement personne ne m'examine, un formulaire de santé à remplir sur la grippe A et 1 autre $ pour récupérer le passeport et un papier nous prévenant que « attention à la grippe A! ».
Pour dégotter le visa : 3 petits $ supplémentaires...
Et enfin, pour se faire tamponner le passeport et encore une fois le récupérer : 2 derniers $...
Qu'est-ce que 8 malheureux dollars, me direz-vous? Rien de plus qu'une bonne bière à l'Ancienne Belgique ou ½ ticket de ciné ...
Sentiment d'injustice, conscience de marcher dans la combine de la mafia des bureaucrates de frontières sans même ouvrir la bouche (ou juste un petit peu), désagréable goût de racket... Je me sens comme Tintin que le capitaine Hadock veut décapsuler car il le prend pour une bonne bouteille, sauf que là, je suis un porte-feuille... Aller à la rencontre de l'autre était mon rêve, mais j'ai le sentiment que les rapports sont faussés pas l'image de richesse que je véhicule. Je n'ai aucun problème avec le fait que je suis autorisée à entrer dans un pays pour apporter des devises. J'estime, peut-être à tort, que dormir, manger, me déplacer, visiter, participer à quelques activités est ma contribution personnelle à l'économie du pays (ce que je ne ferais pas si je restais en métropole...). Mais je supporte mal ce racket, quelqu'en soit le montant. La frontière passée, je pourrait oublier...
Mais, on ne se refait pas, et je n'arrête pas de ressasser ce qui s'est passé. Je connais ma chance extraordinaire de faire un tel voyage et j'ai à cœur de me comporter, d'agir en conformité avec mes convictions, qui évoluent tout au long du voyage, en fonction des rencontres, des lectures, des prises de conscience.
Dans le cas présent, combattre cette corruption me semble être une priorité pour un tas de raisons :
L'argent de ces rackets revient toujours aux plus débrouillards, aux moins scrupuleux, à ceux qui ont des moyens de pression (comme celui de confisquer les passeports, seule chose plus précieuse que l'argent pour le voyageur!), sans aucune redistribution aux plus pauvres (estimation trouvée : 32% de cambodgiens vivent avec moins de 1$ par jour!).
Se battre contre l'injustice, même si elle est mineure permet de ne pas en laisser s'installer de plus grande : car les laotiens et cambodgiens modestes qui passent la frontière sont-ils exemptés de « taxes »? J'en doute...
La corruption, qui se situe à tous les niveaux, est devenue un sport, une coutume. Elle paralyse le pays en faisant disparaître des sommes considérables dans des poches privées.
Cela donne une image effroyable du pays et ne pousse pas d'entrée à faire preuve d'ouverture, de générosité et de solidarité envers les habitants!
Alors, pourquoi ces fonctionnaires qui ont un emploi rémunéré se comportent-ils ainsi? Leur salaire est-il si misérable qu'ils ont besoin d'arrondir leurs fins de mois? Est-ce si choquant que le passage des touristes leur rapporte entre 350 et 700 $ par jour dans un Cambodge où le salaire mensuel moyen est estimé entre 60 et 200$ (chiffre incertains, impossible de trouver une information fiable!)?
La colère un peu évaporée, j'ai essayé de raisonner plus loin en essayant de changer de point de vue. Notre vision les uns des autres est-elle si fausse que nous évoluons sur un malentendu perpétuel? Comment sont perçus les occidentaux? Riches, oisifs et égoïstes, plutôt que désireux d'aller à la rencontre de l'autre? Les différences culturelles sont-elles si immenses que l'on ne peut se comprendre? Lorsque les besoins vitaux, de base des individus ne sont que partiellement satisfaits, peuvent-ils comprendre cette envie de voyager? Notre présence apparaît-elle incongrue? N'est-elle justifiée que lorsqu'elle fait jouer la solidarité du nanti envers le nécessiteux?
Cela m'amène à un autre exemple. Pour le même trajet de tùk-tùk, les mêmes arrêts pour réparer la bête, le même inconfort, le même soleil qui brûle et tape, je vais devoir aligner le double qu'un local. Malgré le sentiment de me faire avoir, je me disais « j'ai les moyens, je peux me permettre de payer plus, si ça aide la population ». Mais ça amène une question : pourquoi un chauffeur de taxi ne préfèrerait pas prendre des touristes qui rapportent le double, plutôt qu'une petite mamie qu'il va en plus falloir aider avec tout son barda? C'est pour ça que je ne suis pas d'accord. Le tourisme : oui, mais pas si l'on doit pénaliser les populations locales... Je n'ose même pas aborder l'impact écologique de nos déplacements de masse qui risqueraient de me couper toute envie de voir du pays. Heureusement, j'ai la conviction que voir ce qui se passe chez les voisins est un moyen de s'enrichir, de comprendre et d'améliorer nos comportements... Je n'en ai donc pas encore totalement fini avec les voyages!